Japon

Au Japon, tout le monde trouve sa place chez Aoi Care

Chez AOI Care, l'établissement fondé par Tadasuke Kato à Fujisawa, on s’attache à déceler et réaliser le potentiel oublié de chacun. Les vieux atteints de maladies neurodégénératives comme les adolescents en décrochage scolaire y trouvent leur place.

Réalisation et montage : Clément Boxebeld et Julia Mourri

Publié le :
17/11/2017

Vieillissement au pays du Soleil-Levant


Le Japon, plus que tous les autres pays dans le monde, est confronté au vieillissement de sa population. Un quart d’entre elle a plus de 65 ans, et le Japon est le pays où il y a le plus de centenaires, en valeur absolue et relative : 65 000 personnes sont âgées de 100 ans et plus, pour 127 millions d’habitants (contre près de 21 000 en France pour 66,9 millions d’habitants).


La manière dont le Japon aborde les défis – et les opportunités – posés par le vieillissement rapide (1) de la population fait du pays un véritable laboratoire pour le reste du monde. En effet, le Japon est l’un des rares pays développés où les solidarités familiales restent très fortes (2) ; alors qu’en même temps, le pays tout entier réagit pour s’adapter à cette nouvelle donne.

Une "assurance vieillesse" unique au monde


En 2000, le gouvernement japonais a lancé un programme d’assurance de soins de longue durée. "Comme en France, ce système est fondé sur le principe de l’assurance, mais aussi sur les taxes, notamment la TVA", explique Fumi Irie, employée au ministère de la Santé japonais. Une "assurance vieillesse" unique au monde, qui contribue à changer les mœurs en profondeur. Car si le faible taux de natalité corrélé à l’augmentation de l’espérance de vie a inversé la pyramide des âges standard, "le dispositif mis en place par le gouvernement bouleverse la société traditionnelle", dit Fumi Iri.

"Avant c’était les familles qui s’occupaient des personnes âgées dépendantes, surtout les femmes, qui maintenant, peuvent travailler."

Ce système combine les soins de santé, les soins de long terme, les soins à domicile et des services de proximité à l’échelle de la communauté. Dès l’âge de 65 ans, les citoyens peuvent en bénéficier, s’ils ont commencé à cotiser à l’âge de 40 ans. Cette assurance vieillesse permet aux personnes âgées de continuer à vivre dans des endroits qui leur sont familiers, et ce même si elles ont besoin de soins avancés – 2,8 millions de personnes ont une démence au Japon et d’ici 2025, ce nombre passera à 4,7 millions(3).


"C’est toujours l’État qui fixe les grandes orientations de cette assurance de soins de longue durée, mais ce sont les villes qui appliquent les politiques sur le terrain", détaille Fumi Irie. La ville de Fukuoka, au sud-est du Japon, a par exemple financé la formation des soignants et aidants familiaux aux techniques de l’Humanitude, une méthodologie qui permet de communiquer à travers la tendresse avec les personnes âgées qui n’arrivent plus à s’exprimer. La municipalité, qui réunit un million et demi d’habitants, prévoit de former chaque citoyen à ces techniques sur l’année 2018.

De nouvelles opportunités


Le pays prend également peu à peu conscience des opportunités que représente cette nouvelle donne démographique. D’une part, la vieillesse n’est pas synonyme de dépendance et, passées 65 ans, les Japonais continuent de jouer un rôle très actif au sein de leur communauté. "Les personnes âgées sont systématiquement considérées comme des personnes à aider. Mais cela ne correspond plus à la réalité", souligne Fumi Irie, qui précise qu’au Japon, 29,3% des hommes âgés de 65 ans et plus continuent de travailler, contre 3,2% en France.

"Pour la plupart des Japonais, surtout pour les hommes, le travail constitue un socle important : ils y voient un moyen de préserver leurs liens avec la société".

D’autre part, le gouvernement voit dans le vieillissement de la population l’occasion de revitaliser certaines zones rurales délaissées. Par exemple, la préfecture de Kanazawa, au nord-ouest de Tokyo, voit émerger des villages intergénérationnels, où personnes âgées aux besoins spécifiques, étudiants et jeunes handicapés cohabitent dans des infrastructures adaptées. Le Premier ministre Shinzo Abe s’est récemment appuyé sur l’un de ces lieux, "Share Kanazawa", pour montrer qu’il était possible de trouver des réponses à la surpopulation des grandes villes, où il y a une pénurie de personnel médical qualifié pour répondre aux besoins d’une population vieillissante.

Des solutions innovantes inspirantes


L’étude du Japon s’avère donc particulièrement inspirante pour la France. "Les deux pays ont un système similaire de sécurité sociale et les tailles des deux pays sont assez proches : la superficie de la France est 1,5 fois plus grande que celle du Japon : la question de l’envergure ne se pose donc pas, explique Fumi Irie. Par ailleurs, le niveau de vie dans les deux pays est le même : le PIB par capita est environ 40 000 dollars, et les institutions politiques et administratives sont grosso modo pareilles". En outre, le Japon et la France partagent beaucoup de valeurs comme la démocratie et les droits de l’homme, malgré de grandes différences culturelles et historiques.



Le ministre japonais de la Santé, Yasuhisa Shiozaki, a déclaré que les 20 prochaines années connaîtraient un "changement de paradigme", d’une approche strictement clinique et curative à une démarche qui englobe des champs tels que le logement, la vente au détail et les services communautaires spécialement adaptés, dans le but de "montrer les solutions qui permettent d’établir un système durable."

Ce sont ces solutions innovantes qu’Oldyssey est allé rencontrer au pays du Soleil-Levant, qu’il s’agisse de revitaliser les régions rurales dépeuplées, de mobiliser l’ensemble de la communauté pour prendre des soins personnes âgées, de former les familles et les professionnels à mieux prendre en charge les personnes âgées en perte de fonctions cognitives, de valoriser le rôle social des plus âgés et prévenir ainsi la perte d’autonomie ou de faire face au manque de personnel soignant en valorisant le de travail des populations immigrées traditionnellement discriminées.

— Texte et photos : Julia Mourri, Clément Boxebeld

(1) La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus a doublé (de 7 à 14%) en seulement 24 ans au Japon ; ce processus a pris 126 ans en France. Aujourd’hui, les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 26,7% de la population japonaise. Source : rapport annuel du ministère de la Santé de l’année 2016
(2) En 2015, 177 600 personnes âgées de 15 à 29 ans prenaient directement soin d’un membre de leur famille âgé. Source : BBC
(3) Bureau japonais de la Santé et des Affaires sociales des personnes âgées

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