"C'est vivant, le bois. Quand il va pleuvoir, mon meuble, il craque." Jean-Louis est ébéniste. Avec sa femme, ils tenaient un magasin de meubles et de cuisines qui a traversé les modes et les époques, mais qui n'a pas survécu à l'arrivée du commerce en ligne et des mastodontes de l'ammeublement. Il a mis la clé sous la porte sans avoir pu transmettre ce qu'il avait passé une vie à construire. Alors, bénévolement, c'est à des enfants qu'il donne l'amour de son métier, pour que, peut-être, ils s'épanouissent un jour dans le leur.
— Réalisation : Clément Boxebeld, Julia Mourri | Montage : Léonie Cornié
À travers l'épais brouillard, on distingue à peine la devanture : "Jean-Louis Ayroles, Ébénisterie artisanale". Nous sommes à Montet-et-Bouxal, une commune du Lot non loin de Figeac, et la maison de Jean-Louis et sa femme Marie-Claude surplombe l'ancien magasin situé dans le virage de la départementale.
"Le magasin a eu ses heures de gloire", se souvient Jean-Louis. Celui-ci était situé de façon stratégique, au croisement de deux routes, et plus d'une fois des automobilistes se sont arrêtés sur leur trajet pour découvrir les meubles et les cuisines fabriqués sur-mesure par l'ébéniste. "Mais tout ça, c'était avant le commerce en ligne et Ikea", dit-il.
Des cuisines en noyer aux façades cérusées, en passant par les plus récentes, en placage, Jean-Louis a vu les modes évoluer. Il sourit en repensant aux portes inspirées du fabricant De Tonge, confectionnées à la demande de ses clients, qu'il marquait de coups et des brûlures de cigarette. "On travaillait bien le bois, et après on tapait dessus ! Je plaignais les cuisines."
Quelques minutes dans l'atelier de Jean-Louis suffisent pour comprendre que maltraiter son travail n'a pas dû être chose aisée pour cet amoureux du noyer et du merisier, qui peut prédire la météo en fonction de l'état du bois dans son atelier et garde en tête chacun de ses ouvrages. "J'ai fait des meubles, ils sont chez le client, mais pour moi ce sont encore mes meubles!"
"Le bois, c'est quelque chose... Déjà, c'est vivant. Vous prenez un arbre, vous en faites des planches, et à la sortie, c'est un meuble", s'émerveille encore celui qui a commencé en tant qu'apprenti à 14 ans, avant d'ouvrir son propre atelier en 1976.
Le magasin, intégralement détruit à la suite d'un incendie, fut reconstruit. Avec sa femme, ils reprirent le travail : Jean-Louis à la fabrication, Marie-Claude aux finitions. "Si l'entreprise a tourné, c'était grâce à elle, dit l'ébéniste. Elle était très pointue. Car c'est bien beau de faire un meuble, mais si le vernis, la cire et la teinte sont loupés, le meuble, il est moche."
Mais arrivés à la retraite, le couple n'a pas trouvé de repreneur. Un coup plus dur que de voir son entreprise détruite par les flammes.
Alors s'il ne transmet pas son affaire, il transmet le savoir-faire. Une fois par semaine, il enseigne à des enfants le métier d'ébéniste. "Je pense qu'il faut rendre l'enfant amoureux de son métier", dit Jean-Louis. Il se souvient du bonheur de se lever le matin pour terminer un meuble. "L'artisanat, ça existera toujours : il faudra construire des maisons, il faudra construire des meubles. Et nous autres, on a des métiers dans lesquels on peut réellement s’éclater."
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