Corée du Sud

Grandpa Chan dessine pour ses petits-enfants

Sur leur compte Instagram "Drawings for my grandchildren", Grandpa Chan et Grandma Marina parlent à leurs petits-enfants en dessins. Une communauté de 400 000 abonnés suivent ces influenceurs sud-coréens de 77 ans.

Réalisation et montage : Flore Desal et Camille Tochon

Publié le :
15/10/2016

Boîtes de nuit pour séniors, quartier figé dans le temps… Les vieux sud-coréens veulent sortir de la solitude


En Corée du Sud, la solitude touche entre 25% et 35% des personnes âgées selon les études (1). Un chiffre en constante augmentation depuis une décennie. Mais nous avons rencontré des initiatives qui permettent aux vieux de faire partie du reste de la société. Boîtes de nuit pour personnes âgées, Yogurts ladies ou quartier adapté aux séniors, on vous présente ici des initiatives lancées par les vieux eux-mêmes pour sortir de l’isolement.


Les "colatecs", des discothèques pour seniors


Les "colatecs" courent les rues pour qui veut bien les voir en Corée du Sud. Issues d’un détonnant mélange entre les termes “Coca-Cola” et “Discothèque” ces “boîtes de jour” d’une autre époque sont destinées exclusivement aux personnes âgées. Cachées au fond de couloirs peu avenants, aux derniers étages de longs immeubles, celui qui suit discrètement ces files de personnes âgées apprêtées se retrouvera face à un spectacle étonnant. Les règles sont simples : pas de consommation d’alcool et extinction des feux à 22 heures (pour une ouverture à 14 heures). Le cocktail fonctionne, puisque la piste de danse est pleine. Les vertus des colatecs sont nombreuses. Espaces de rencontre voire de séduction, elles sont aussi l’occasion rêvée de faire de l’exercice. Et le prix du ticket d’entrée, de 1000 Won sud-coréens, soit l’équivalent de quelques centimes d’euro, reste abordable à toutes les classes sociales.

Malheureusement, pour des raisons de "respect de la vie privée des clients", nous n’avons pu ni filmer ni interroger ces danseurs diurnes. Et pour cause, l’un des gérants de l’une de ces boîtes pour séniors nous explique que les colatecs sont réputées pour être de haut lieux d’infidélité en Corée du Sud. Nous avons toutefois pu, malgré notre âge jugé trop jeune par le règlement de la colatec, entrer sur les lieux pour nous faire notre propre opinion. La plus grande discrétion nous est demandée.

Photo prise sur le vif dans une colatec à Séoul


L’espace est gigantesque. Bien que rempli, il reste aéré. Environ cinq-cents personnes dansent sur la piste. La moyenne d’âge avoisine les 80 ans. Notre montre indique 16 heures. La salle est tamisée, des guirlandes multicolores viennent donner un peu de chaleur et de piment au lieu. Des couples timides se forment, des gestes maladroits se dessinent sur des sonorités orientales et rythmées. Le DJ lui-même semble venir d’une autre époque.

Pour ceux qui veulent faire une petite pause, il est possible de se restaurer, de se faire masser ou de boire un verre dans des salles plus silencieuses qui jouxtent la piste de danse.

À côté de nous, un couple de personnes âgées flirtent comme des adolescents.

Les "Yoghurt Ladies", au chevet des seniors isolés


Armées de leur casquette visière, de leur imperméable beige, et de leur frigo motorisé, elles sont partout. Pokémons des temps modernes, les "Yoghurt Ladies", littéralement "femmes-yaourts", arpentent les métropoles coréennes pour vendre leurs boissons lactées à des prix défiant toute concurrence.

Plus que de simples commerçantes de yaourts à boire, ces femmes ont un rôle fondamental dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées en Corée du Sud.

Une Yoghurt Lady


Chaque jour, leur itinéraire est rythmé par des visites à domiciles de personnes âgées qui souffrent de solitude, inscrites auprès d’un centre d’appel dédié. Ces personnes isolées reçoivent des visites quotidiennes durant lesquelles les Yoghurt Ladies s’assurent de leur bonne santé et leur font la discussion, en plus de leur donner leur lot de yaourts — gratuits — pour la journée.


Une fondation privée s’assure de compenser les coûts de revient des yaourts à ces femmes, mais ces dernières font ces visites bénévolement. Ces commerçantes réussissent à créer un lien de proximité avec les personnes âgées isolées.

Le quartier Jong-no, figé dans le temps

Les joueurs de Mah Jong


Au cœur de Séoul bat un quartier aux maisons resserrées, encore préservé du développement tentaculaire de la ville. Un quartier historique, où se regroupent les personnes âgées, le plus souvent issues de milieux modestes, la journée le temps d’une ou plusieurs parties de Mah Jong.

Ici, tous les commerces semblent figés dans le temps, comme pour répondre à la nostalgie des vieux habitants. Nous entrons dans un café aux couleurs vives. Le patron et DJ nous montre sa collection de vinyles. “Tous sont sortis avant l’année 1980”, nous explique-t-il. Il nous tend la pochette du 33 tours d’Edith Piaf, “La vie en Rose”, en souriant. Des photos en noir et blanc d’anciens acteurs sont placardés sur les murs oranges.

Le café est entouré d’un cinéma qui ne passe que des films d’époque, et de restaurants qui servent des plats "typiquement coréens".

Le DJ qui ne jouait que des vinyles des temps anciens


La ville, consciente de l’attachement des aînés à ce quartier, a en outre pris des dispositions pour adapter certaines rues à leurs besoins spécifiques. Un label a été créé pour récompenser les commerces qui adaptent leurs services à leurs clients les plus âgés : porte-canne, distribution d’eau pour la prise de médicaments, installation de défibrillateurs, menus écrits en très gros caractères pour permettre aux seniors de les déchiffrer, ou encore accessibilité des toilettes.

Un porte-canne est présent sur les tables
Des panneaux installés à destination des personnes âgées. Ici, des toilettes adaptées sont mises à leur disposition ainsi que des verres d’eau, pour que les séniors puissent prendre leurs médicaments.


— Texte et photos : Flore Desal et Camille Tochon

SOURCES :

(1) A study of social behavior and social isolation of the elderly Korea


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