Nouvelle-Zélande
En Nouvelle Zélande, le taux de suicide chez les hommes atteint son pic aux alentours de 80 ans. Il fallait faire quelque chose. Le phénomène des "Menzshed", des "hangars pour hommes", permet aux hommes à la retraite de se retrouver chaque semaine pour fabriquer des choses ensemble. Pour les plus réservés et avares de commentaires, c'est un moyen de s'ouvrir à de nouvelles personnes. Le réseau international de hangars pour hommes connait un grand succès en Nouvelle-Zélande.
Réalisation et montage : Flore Desal et Camille Tochon
Au cours de notre séjour en Nouvelle-Zélande, trois tendances liées au vieillissement nous ont frappées. A travers notre conversation avec la Professeure Ngaire Kerse, enseignante à l’université d’Auckland et spécialiste des questions du vieillissement, nous nous sommes fait une idée des spécificités dans son pays. L’adaptation à la diversité culturelle est un enjeu majeur du gouvernement néo-zélandais, le système de retraite est différent des modèles observés dans d’autres destinations et de nouveaux types de lieux de vie pour les seniors sont en plein essor.
Professeure Ngaire, en quoi la situation du vieillissement est-elle particulière en Nouvelle-Zélande ?
Pr Ngaire : La Nouvelle-Zélande est tout d’abord un pays que nous pouvons qualifier, de manière simpliste, de biculturel. Nous avons les indigènes Maori d’un côté et "tous les autres" de l’autre. Il est important de noter que "tous les autres" regroupent énormément de nationalités, d’origine européennes principalement, mais aussi des îles Pacifiques puisque environ 200 communautés ethniques cohabitent.
L’adaptation à la diversification culturelle de la population est un des défis majeurs du pays et ce particulièrement pour la question du vieillissement. Nous avons besoin de davantage de programmes et de solutions spécifiques, notamment pour les Maoris. Nous savons qu’ils ont une culture forte. Ils veulent faire les choses à leur manière, le gouvernement doit leur apporter des solutions adaptées.
Justement, en quoi la culture Maori est-elle différente ?
Tout d’abord, l’histoire veut que les Maoris soient les premiers habitants de île. Les autres populations sont venues après. La culture est différente et donc la manière de percevoir la vieillesse également. Les coutumes et les pratiques sont très formalisées chez eux. Il y a de nombreux regroupements et événements communautaires. Les seniors président, prennent les décisions et organisent les discussions. La famille est très importante. Les personnes âgées vieillissent au sein des familles, il est par exemple inconcevable de les placer en maison de retraite pour beaucoup d’entre eux. Les Maoris adultes doivent ainsi s’occuper des personnes âgées ainsi que subvenir aux besoins des plus jeunes. Cela entraîne un stress supplémentaire sur le plan financier.
À l’inverse, pour les « Pakis », autrement dit les "non Maoris", des attitudes "âgistes", similaires à d’autres pays en Europe, existent. On parle des personnes âgées comme d’un "tsunami qui submerge le système de santé". Elles ne sont pas valorisées.
Nous avons lu dans plusieurs rapports que la Nouvelle-Zélande a un taux d’employabilité parmi les personnes âgées de plus de 65 ans étonnamment haut, pouvez-vous nous en dire plus ?
Ce qui est spécifique à la Nouvelle-Zélande c’est qu’il n’y a pas d’âge de départ obligatoire à la retraite. Vous pouvez travailler aussi longtemps que vous le souhaitez. Les entreprises ne peuvent pas vous renvoyer à cause de votre âge. C’est pourquoi nous avons une population active de plus en plus âgée. Entre 3 et 15% de personnes de plus de 85 ans exercent encore un travail rémunéré d’après une enquête que j’ai menée.
Cependant, certaines entreprises continuent d’avoir des clichés négatifs sur les travailleurs âgés, cela gêne parfois leur employabilité. Il y a encore de la sensibilisation à faire à ce niveau. Des initiatives intéressantes se passent dans certaines grandes entreprises. Par exemple, certaines font appel à des organisations de sensibilisation à l’Alzheimer. Des stages sont proposés pour aider les employés souffrant de la maladie à rester au travail le plus longtemps possible et pour leur faciliter le quotidien.
À partir de quel âge les personnes âgées peuvent-elle toucher une pension, puisqu’il n’y a pas d’âge de départ à la retraite obligatoire ?
Il est possible de toucher une pension à partir de 65 ans. Cette pension est dite universelle. Le montant perçu est le même pour chacun, quelque soit la rémunération perçue avant, quelque soit le métier exercé. Les seules conditions à remplir sont les suivantes : vous devez avoir vécu au moins 10 ans en Nouvelle-Zélande et avoir travaillé plus de 5 ans sur le territoire. Le montant perçu est suffisant pour vivre si vous êtes en bonne santé et si vous êtes propriétaire de votre logement. Sinon cela est un peu plus compliqué. C’est ce qui arrive aux nouvelles générations. Celles-ci ont moins tendance à être propriétaires de leur logement par rapport aux générations d’avant. Si vous le souhaitez, il est possible de cotiser à côté via des systèmes privés. Vous toucherez alors un revenu complémentaire en plus de la pension gouvernementale universelle.
Lors de nos rencontres avec des personnes âgées, nous avons entendu parler des "villages de retraités" (dits retirement village), pouvez-vous nous en dire plus ?
Les "villages de retraités" sont de plus en plus courants en Nouvelle-Zélande. Il y a 20 ans, 3 % des personnes âgées de plus de 75 ans y vivaient ; aujourd’hui, c’est près de 20 %. C’est un bouleversement sociologique sur la manière dont ils vivent. C’est une bonne chose pour lutter contre l’isolement des personnes âgées. Pour faire écho à une de mes histoires personnelles, ma belle-mère est allée vivre dans un de ces villages. Avant, elle vivait seule, isolée, elle était très anxieuse. Maintenant, elle dirige un groupe de broderie, elle danse, elle participe aux "verres" du vendredi, elle a beaucoup d’amis, elle va mieux, elle est beaucoup plus confiante.
Comment cela fonctionne ? Le modèle économique de ces villages diffère aussi de l’immobilier traditionnel. Vous achetez une unité du complexe, et avez le droit d’y vivre jusqu’à votre mort. Vous paierez également une redevance mensuelle pour la gestion de l’établissement ainsi que certains services complémentaires. Une fois décédé, il n’est pas possible de revendre l’unité, ou de faire une plus-value, l’unité revient de droit au complexe. Il n’y a pas de gain en capital, c’est un modèle financier particulier. Chaque village dispose d’un centre de soins et il est possible de passer à des unités plus ou moins adaptées aux personnes dépendantes suivant l’évolution de votre santé.
Cependant, ces modèles présentent des limites. Ces villages ne sont en réalité accessibles qu’à une minorité, suffisamment aisée économiquement. Et personnellement, je trouve ça dommage de laisser les personnes âgées entre-elles seulement. Ce dont nous avons réellement besoin à mon avis ce sont de relations intergénérationnelles.
— Texte et photos : Flore Desal et Camille Tochon
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