La fileuse

De l'élevage au tricot, en passant par la teinture de la laine : Léonore maîtrise à 100% sa production de pulls. Elle compte parmi la poignée de fileuses de laine encore en activité en France, dans le respect de la tradition et de ses animaux.

— Réalisation : Clément Boxebeld, Charlotte Guibert | Montage : Hélène Boursier

Publié le :
9/12/2022

Léonore aime se lever tôt et filer dans la solitude de son salon-atelier sur son rouet d’époque. Elle confie que ça la plonge dans un état second qui l’apaise. "Spinnen, ça veut dire filer en allemand, mais ça veut aussi dire être fou. On file de la laine, mais on file aussi des pensées qui vont à fond."


Léonore Strauch compte parmi la poignée de fileuses de laine encore en activité en France, dans le respect de la tradition et de ses animaux. Née en Allemagne, elle arrive en Provence avec sa mère alors qu'elle est adolescente. Elle y développe sa relation aux animaux et apprend à filer et tricoter la laine. Puis elle s'installe vers Vaour, dans le Tarn, dans un hameau loin des sentiers touristiques. Elle travaille la laine chaque jour, fait de l’élevage sa profession et développe une agriculture paysanne à taille humaine. "C’est différent de ce qu’on apprend à l’école, nous explique-t-elle. Les chevreaux tètent la mamelle maternelle plutôt que du lait en poudre, et chaque animal a un nom."

Une brebis pour un pull


Il y a Marshmallow, Pauline, Sardine, Maisie, Trèfle… Des chèvres laitières pour le fromage, des chèvres angora pour le mohair, des brebis pour la laine, quelques poules et Arnica, une petite vache jersiaise, une vache "de retraités", au lait très crémeux.

"Il faut à peu près la toison d’une brebis pour faire un pull", dit Léonore. Une fois l’animal tondu, elle garde la laine dans un sac à son nom. Pour chacun de ses pulls, elle est ainsi capable de dire quelle bête en est à l'origine. "Quand on va chez Decathlon pour acheter un pull-over beaucoup moins cher, on ne sait pas qui l’a fait", dit malicieusement Léonore.

Fabriquer de bout en bout


Maîtriser la production de bout en bout, de l'élevage au tricot en passant par le nettoyage, le cardage et la teinture de la laine, c’est aussi l’assurance d’un pull plus doux et plus robuste. “Un pull qu’on fait avec cette laine-là, c’est pour la vie, on peut le transmettre à ses enfants”, affirme la fileuse. À condition de le laver à la main et à l’eau tiède.

La journée, qui a démarré par la traite des animaux, est rythmée par différentes étapes : le tri de la laine, qui consiste à enlever les saletés de la toison, "une activité à faire à plusieurs car c’est long" ; le lavage, "à l’eau froide pour ne pas brusquer la laine"  ;  le cardage, "pour aligner toutes les fibres et finir de les nettoyer" ; le filage, "laisser le temps aux fibres de s’enrouler pour que le fil soit plus doux" ; le tricot, "faire des boucles dans les boucles" ou encore la teinture, "ça marche comme un bain marie, on fait infuser la laine avec des extraits de plantes."


Avec la laine ou le filage, "il y a toujours des choses à apprendre" nous dit-elle avec humilité. Dans les cafés-tricot qu’elle organise à Vaour, elle prend aussi plaisir à former d’autres qui souhaitent découvrir ce savoir-faire. Attention toutefois : "Pour poser des questions, il faut vouloir apprendre, pas simplement ne rien avoir à faire ce jour-là, ce serait une perte de temps et d’engagement." Au programme pour Léonore, apprendre à filer avec les orties.

La Ferme des amis


Oignon, curcuma, garance, noyaux d’avocats, dans la petite boutique de Léonore, les couleurs se mêlent comme des saveurs, pour former les motifs jacquards ou irlandais qu’elle se met au défi de réaliser. Les voisins viennent aussi chez elle pour se fournir en œufs et en fromage. Son activité est plutôt un art de vivre qu’un travail. Quand elle en a l’occasion, Léonore troque volontiers ses produits contre d’autres fruits, légumes ou services.

La pancarte de la boutique indique "Ferme des amis", les visiteurs sont prévenus. Léonore cultive ses amitiés avec autant de soin que celui qu’elle met dans ses ouvrages.

— Texte : Clément Boxebeld, Photos : Clément Boxebeld, Charlotte Guibert

Papyrus

Le portrait des vieux de la vieille, l'histoire des savoir-faire et les coulisses du média, on vous dit tout dans la newsletter papyrus.

En soumettant ce formulaire, vous affirmez avoir pris connaissance de notre Politique de confidentialité.
Votre demande a bien été prise en compte !
Une erreur s'est produite ! Si vous n'arrivez pas à vous inscrire, veuillez réessayer ultérieurement ou contactez-nous sur contact@oldyssey.org. Merci !"

Suivez Oldyssey sur

Contactez-nous

Contact@Oldyssey.org