La sexualité tient une place centrale dans la vie de Dominique, c'est pour lui un chemin spirituel. Il avait seulement 14 ans quand il a découvert le sexe tantrique. Aujourd'hui, à 76 ans, anime des séminaires d'initiation avec sa compagne.
Un épisode réalisé par Adèle Cailleteau, produit par Oldyssey
Musique : Lahar - Mosaïc ; Guazu - Guazu
J’arrive avec ma valise devant une grille, grande ouverte, dans un village près de Valence. Je secoue la cloche pour signaler ma présence et avance doucement le grand jardin verdoyant. Dominique sort de derrière la maison et vient m’accueillir, il est grand, mince et très souriant. C’est la première fois que nous nous parlons mais j’ai l’impression de retrouver un vieil ami. On se tutoie immédiatement. Je l’avais contacté après être tombée sur son site Tantra au cœur de l’être pour qu’il me parle de sexualité en conscience et d’épanouissement spirituel. Le peu que je savais du sexe tantrique me laissait penser qu’il était particulièrement adapté quand on vieillit et que le corps ne permet plus les performances physiques de la jeunesse.
Il me conduit dans une petite pièce avec un accès direct sur le jardin, où se trouvent un canapé, deux chaises en osier et des ornements chrétiens. C’est dans cette pièce que Dominique, formé à de multiples types de psychothérapies, accueille ses patients pour des thérapies libres, dans lesquelles la sexualité tient souvent une grande place.
Je sors mon matériel et Dominique me demande s’il peut également enregistrer notre conversation. Le fait que j’accepte le met en confiance. Comme il me l’avait déjà écrit par mail, il a par le passé eu l’impression que les journalistes trahissaient ses propos au sujet du sexe tantrique. Une grande sérénité se dégage de sa personne. Avant qu’on commence l’interview, il prend le temps de se recentrer et de souhaiter que ses mots puissent être utiles à ceux qui l’écouteront.
Ses pensées l’emmènent sur des chemins qui m’étonnent, il répond par des voies détournées à mes questions et me surprend parfois. Par exemple quand il parle de sa découverte du tantra à 14 ans, alors qu’il était dans un pensionnat religieux. Ou de ses six années passées au séminaire pour devenir prêtre, qu’il quitte après avoir constaté que la secrétaire lui procurait trop d’émoi.
J’arrête l’enregistrement au bout de deux heures vingt, il est déjà 17h30 et Dominique doit filer pour une réunion. A 77 ans, son activité professionnelle est plus riche que dans sa trentaine, me dit-il. Je retiens de cette rencontre les mille vies de Dominique et cette petite phrase sur la façon dont le sexe est pour lui source d’épanouissement : 'Certains vont s’élever spirituellement en passant des jours dans l’Himalaya sans boire, ni manger. Pour d’autres, ça se passe dans la chambre à coucher.'
— Adèle Cailleteau
Bonjour Diana. Tout d'abord, qu’est-ce que le sexe tantrique ?
Le sexe tantrique, c’est faire l’amour en conscience, en étant plus présent et détendu. C’est complètement différent du sexe dont on a l’habitude dans notre société. L’orgasme n’a vraiment aucune importance dans le sexe tantrique, tu peux en avoir un, ou pas. L’un et l’autre sont aussi satisfaisants. Beaucoup de femmes ne parviennent pas à avoir d’orgasmes et elles ont l’impression que quelque chose cloche chez elles. En fait, c’est une bénédiction. Parce que cela peut les aider à être plus dans le moment présent.
Vous écrivez dans votre livre Tantric sex and menopause que le sexe tantrique est un "pont merveilleux" pour les couples qui vieillissent. Qu’entendez-vous par là ?
En vieillissant ou quand on est depuis longtemps avec la même personne, on a tendance à répéter encore et encore les mêmes choses et on perd l’envie d’en essayer de nouvelles. Découvrir une autre façon de faire l’amour, qui en l’occurrence n’implique pas de transpirer et de dépenser beaucoup d’énergie, peut faciliter la transition vers un âge plus avancé.
Dans ce qu’on appelle le sexe conventionnel, les hommes ressentent une pression énorme pour maintenir leur érection et ça peut devenir un problème avec l’âge. Et nous, les femmes, avons peur de nos propres désirs. Nous sommes très attachées au fait de plaire aux hommes, même si nous avons mal ou que nous nous sentons utilisées. Une fois qu’on a évacué tout ça, le désir de plaire et la performance dans l’acte sexuel, on a deux personnes qui se rencontrent d’une façon plus authentique.
Dans l’imaginaire collectif, les personnes âgées – et en particulier les femmes après la ménopause – n’ont plus envie de faire l’amour. Qu’en pensez-vous ?
Si le sexe doit toujours se faire dans l’excitation et l’intensité des jeunes années, ça semble impossible quand on vieillit. Mais il suffit d’avoir une autre vision des choses pour que la porte s’ouvre à nouveau, soudainement.
Parmi les couples qui viennent assister à nos retraites, beaucoup de femmes vivent ou sont passées par l’étape de la ménopause. Et au bout de deux ou trois jours, une fois que le principal est expliqué et si le ou la partenaire coopère, le désir revient déjà, c’est merveilleux.
Amener de la conscience dans le sexe est une expérience qui change la vie, au lit mais aussi au quotidien. Le couple le plus vieux que nous avons eu avait 78 ans pour elle et 80 ans pour lui. Ils nous ont dit qu’ils avaient passé avec nous les sept jours les plus importants de leur vie. Une fois qu’ils avaient les clés, ils faisaient l’amour en étant complètement heureux.
— Propos recueillis et traduits de l'anglais par Adèle Cailleteau.
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