#7 Brigitte Lahaie, le porno des années 1970

Chroniqueuse, animatrice radio et ex-actrice porno, Brigitte Lahaie fait partie du paysage médiatique française depuis bien longtemps. À 65 ans, elle s'est prise de passion pour la transmission de ses connaissances en sexo et relations amoureuses.

Un épisode réalisé par Anaïs Delmas, produit par Oldyssey. Musique : Lahar - Mosaïc ; Guazu - Guazu

Publié le :
24/8/2021

Comment interviewer une icône du porno des années 1970, animatrice radio pionnière sur les questions sexo et conseils sentimentaux sans jouer sur le sensationnalisme ? C’est la question qui me vient à l’esprit en contactant Brigitte Lahaie. Non pas par oubli de toutes les règles déontologiques du journalisme, mais par crainte de m’immiscer dans l’intimité de cette importante figure médiatique. Y a-t-il des questions auxquelles elle ne veut plus répondre ? Des questions maladroites et redondantes ? Après réflexion, je choisis de me concentrer sur le propos de son dernier projet cinématographique.

Pionnière du porno d'hier et de demain


C’est la réalisatrice féministe Olympe de G. qui a contacté l’ancienne actrice pour lui proposer de tourner dans son premier long métrage pornographique, Une dernière fois. Les thématiques de ce film pornéthique ont rapidement emballé Brigitte Lahaie. Et moi aussi. Il parle de sexe et de mort, de désir chez les femmes de plus de 50 ans, mais aussi de décider sa fin de vie.


J’ai rendez-vous avec l’animatrice à 16h30 dans les locaux de Sud Radio. Elle vient de terminer sa chronique quotidienne. Après deux heures au micro, j’espère qu’il lui restera un peu de ressort pour notre interview. On s’installe dans un studio. Sa voix est douce, très basse. Il me faut régler mon micro pour faire moduler le son plus haut. J’observe son attitude quiète et l’interprète alors comme de la timidité.

L’interview dure environ trois quarts d’heure. Je fais face à une femme très assurée dans sa pensée, empreinte de beaucoup de philosophie. Une formule me reste en tête : "Je n'ai rien trouvé de mieux que vieillir pour ne pas mourir". Puis les mots sont parfois crus mais toujours prononcés avec simplicité.

Avant de quitter les lieux, elle me raccompagne et nous discutons de la place des femmes de plus de 50 ans dans les médias. Face à mon scepticisme, mon interviewée tente de me rassurer : on ne les effacera pas indéfiniment du paysage médiatique. Les temps changent.

— Anaïs Delmas

Aller plus loin

Pour un porno qui montre d'autres corps :
3 questions à Olympe de G.

En faisant appel à Brigitte Lahaie pour son film Une dernière fois (2020), la réalisatrice féministe Olympe de G. a voulu donner à voir d'autres corps et aborder le désir féminin après 60 ans.


Bonjour Olympe. Comment est née l'envie de travailler avec Brigitte sur Une dernière fois ?


J’avais envie de passer au format long-métrage après avoir exploré le court, pour pouvoir développer une histoire et permettre qu’on s’attache aux personnages. Dans chacun de mes films je cherche des thématiques dont je trouve qu’elles ne sont pas assez représentées ou qu'elles sont mal traitées.

L’âge chez les femmes, c’est un truc très fétichisé dans le porno français mainstream. On voit des titres de film pas possibles, des trucs pas très sensibles. J'ai eu envie d’explorer le plaisir féminin après 60 ans. Et en même temps parler de jouissance de son corps tout au long de sa vie à travers le prisme de la sexualité mais aussi du droit à mourir dans la dignité. C’est ce qui a provoqué l’écriture d’Une dernière fois. [Le film raconte l'histoire d'une femme de 69 ans qui refuse de vieillir dans une société dans laquelle on ne prend pas soin des personnes âgées et décide de préparer sa mort, et avant cela sa dernière année à vivre.]

Brigitte m’avait invitée peu de temps avant à parler de mon podcast Voxxx dans son émission sur Sud Radio. Mon approche lui avait plu. Après ce premier contact, lorsque j’ai cherché l’actrice idéale pour Une dernière fois, je l’ai recontactée.

Que vouliez-vous raconter du plaisir féminin et de l'avancée en âge à travers ce film ?

Je voulais surtout montrer le plaisir féminin à un âge auquel on a l’impression que les femmes n’ont plus le droit à la sexualité. Quand une femme avance en âge, il y a deux choses. D’une part, après la ménopause, n'étant plus dans le champ de la fertilité, c’est comme si les femmes n’étaient plus sensées avoir de désir parce qu’elles ne peuvent plus procréer, ce qui est une aberration totale. D'autre part, il y a la perception des femmes dans notre société sexiste, jeuniste, qui perçoit les femmes de plus de 30, 40, 50 ans, comme n’étant plus désirables. Et par un truc un peu magique, elles deviendraient non désirantes.

Dans tout ça, la femme qui continue de désirer après l’âge auquel elle est sensée être désirable par les hommes devient un peu une sorcière, la cougar, on se moque d’elle, sa sexualité devient déplacée. L’idée était de montrer qu’il n’y a aucun besoin de renoncer au plaisir parce qu’on avance dans la vie.

Vous êtes pour un porno éthique, beau et féministe. Comment retranscrivez-vous votre engagement directement dans vos choix de réalisation, en particulier pour Une dernière fois ?

En terme de réalisation, j’avais envie de montrer des corps qui ne soient pas formatés, qui n'entrent pas dans les canons de beauté qu’on voit tout le temps. Je n'ai pas trop réussi sur le versant des acteurs masculins — les acteurs qui apparaissent dans le film ont des pénis énormes, mais c’est difficile de mener toutes les batailles sur le même front et j’ai privilégié le fait de bosser avec des acteurs professionnels.

Mais sur la représentation des corps des femmes, j’y ai apporté une attention particulière. J'avais aussi envie de montrer des pratiques qui ne le sont pas assez et qui sont pourtant les vraies pratiques qu’on peut avoir nous, les femmes. Par exemple, le fait d’utiliser un stimulateur clitoridien de type womanizer, on voit très peu ça dans les films porno. Ou le fait d’avoir une sexualité non pénétrative, de se focaliser sur les caresses, le sexe oral. Je voulais montrer beaucoup de sexe oral reçu par les femmes.

Au niveau de la réalisation, la caméra est tenue par une femme qui suit Brigitte Lahaie. L’idée c’était qu’on la voit être sujet de désir, mais qu’on ressente aussi le désir de la caméra, et de la femme qui est derrière, se développer, dans un double jeu d'une femme désirante sur une femme amoureuse.

— Propos recueillis par Julia Mourri

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